PREPARONS LES FETES...

Publié le par Gillou

PREPARONS LES FETES...
 
RENDONS VISITE AU CAPILLICULTEUR

     Je repousse sans cesse l’échéance, mais un moment venu la convenance sociale est plus forte que ma vive crainte du moment de souffrance à venir. Je suis acculé, je n’ai plus le choix. Il faut y aller.

     Prenant mon courage à deux mains et ma résignation dans l’autre, je me dirige d’un pas moyen et l’air lugubre vers l’autel du Moi. Je vais au coiffeur. (Note : Je ne vais pas « chez » le coiffeur de même qu’on ne mène pas la bête « chez » le boucher)

Tout de cette expérience acidifie ma rate déjà fort susceptible.

D’abord l’enseigne. Vous avez remarqué la prétention de ces types, de ces vulgaires tailleurs de poils qui se nomment eux-même « visagiste ». Pourquoi personne ne souligne l’ultime ridicule du narcissisme pompeux du débile aux ciseaux ? Vous imaginez-vous l’employé municipal préposé aux pelouses afficher rogatoirement un « ingénieur des sols herbeux » sur sa chemise ?

     Je vais toujours à ces salons sans rendez-vous. L’idée même de planifier cette épreuve ne ferait que pourrir les jours qui précèdent..je m’y refuse. C’est toujours une décision de dernière minute étrange. Je pousse la porte en grimaçant un peu comme on pousse un étron. Les odeurs de parfums bas de gamme qui résulte des mélanges de shampoing, laques et autres chimies capillaires m’agressent. Sans un regard, sans un bruit, je m’assied sagement en attendant mon tour. Je sers les dents. J’attrape un magazine.

     Le ramassis de médiocrités pseudo-journalistique que l’on trouve sur les sofas des coiffeurs est viscéralement scandaleux. C’est pas possible ! Je me suis sans doute trompé d’adresse ! un atelier de lecture pour militaires microcéphales ? Dans l’immense bourbier de la bêtise humaine, le salon de coiffure fait office de fosse à purin. Il en extrait la substantifique moelle, l’essence de l’essence de la diarrhée journalistique la plus fétide, le petit jus aigre et puant de la médiocrité intellectuelle qui fait aujourd’hui office de dénominateur commun dans nos lycées. Cette même littérature  racoleuse qui laisse penser que la noblesse du siècle c’est chanter et/ou montrer son cul . L’endoctrinement des esprits faibles dans le culte du Moi passe par Gala...

       C’est mon tour. Merde.

     Shampoing. Le jeune apprenti taille-poil boutonneux me présente la blouse à la con. putain Devant ? derrière ? avec manche ? ma gaucherie à cette exercice me vaut toujours un sourire complice. Zut. Maintenant au bac à shampoing. « pas trop chaud ? – non ça va ». Je m’en veux de céder à la politesse convenue. Il m’arrose du cocktail maison qui fait office de shampoing, un mélange chimique mousseux concocté avec les fonds de bouteille, avec des relents dégueulasses de bonbon, colle à bois et noix de coco. Il aime quand ça mousse le jeune con. Je sens bien qu’il me masturbe la tête. J’ai des nausées dès que je pense à l’horreur de ces mains qui palpent et massent. Combien de têtes avant moi sont passées là ? Combien de glandes sudoripares ont dégoulinées leur jus tiède et âcre sur ces doigts sales ? Combien de cheveux gras inconnus ?

    Combien de croustillantes chips pelliculaires ? vous connaissez la pédiculose, vous connaissez l'acné décalvant, la folliculite, la dermatose squameuse qu’est le psoriasis, et la poétiquement nommée « teigne tondante à petites spores » Non ça vous dis rien. Tant mieux. Le préposé aux shampoing ne porte pas de gants.

Avec un jean trop serré pour seul habit de lumière, le toréador des ciseaux, la ballerine du peigne, bref, le grand con qui fera office de coiffeur…entre en scène.

Vous avez remarqué ce tic, qui à force d’être obsessionnel se rapproche d’une version d’un TOC généralisé à la famille des capilliculteurs : « vous avez le cheveu souple ! » Mais non gros nase ! on dit « les cheveux » ou bien « la chevelure ». Reparle-moi encore des qualités intrinsèques de « mon cheveu » et je promets de te donner un bon coup de coude où tu penses !

      Malheureusement, ce mauvais départ sur ce mauvais échange sur mon système pileux n’était qu’un tremplin vers l’immense piscine de niaiseries fades que ce connard efféminé a rempli au fil des ans. J’étais sûr qu’il m’avait repéré comme un félin renifle sa proie. Je m’inquiète sur mon fauteuil encore chaud du séant précédent. Je nourris un ultime espoir d’échapper au pire. Mais au fond je le sais, je n’y échapperai pas. C’est trop tard. Je suis fait… Il parle.

      Il a commencé léger et classique par quelques banalités d’ordre météorologique. Je me suis abstenu. Puis il s’est prévisiblement engagé sur la pente savonneuse des trivialités débiles. J’ai souffert. Voilà des années que le mou fistule qui fait office de cerveau à ma ballerine aux ciseaux, se remplit de niaiseries populaires au bon vouloir de TF1, des télé-réalités en tous genres ou des « reportages en régions » de Jean-Pierre Pernaut. En fonction du programme TV et grâce au nivelage par le bas de l’éducation nationale, le pustule s’est gonflé de mièvreries minables inspirées des séries américaines aseptisées. Les idées simplistes et manichéennes ont fait leur lit dans la boue croupie de ce cerveau semi-léthargique endormi dans l’arrogance chauvine d’un empire en déclin. Les opinions copié-collé de cet abruti en short Armani  sont   la trace collante de la limace glaireuse de la bien-pensance. Par ricochet sur ce foutu miroir, il m’a vomit ses opinions à deux balles. C’est pas banal quand un homosexuel vous enfile ses idées éculées (elles aussi) . Rien n’y fait. Par convulsions saccadées il me balance sa diatribe verbale. Aucun abris. Un déluge de niaiseries aussi fades qu’imbéciles se déversent en de fortes et insoutenables vagues. Pleine face. Je n’ose même pas commenté l’image de ma nuque dans le miroir : je sais que c’est l’exutoire..

        J’ai des cheveux sur le front. Des cheveux dans la nuque. Des cheveux sur ma chemise. Je suis éreinté. Je règle, avec un avant-goût de liberté, mon droit de sortie de cette antre machiavélique.

Il me dit « à bientôt ».

Publié dans Humeur

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